" L' Art est une visite du temps " Ariane Angeloglou

L' exposition " L' ivresse des sommets " au musée dauphinois.

Chartreuse, génépi, absinthe, gentiane et tant d’autres noms sont des spiritueux emblématiques des Alpes. Quintessence de la flore de montagne, ils résultent des savoirs ethnobotaniques hérités de longue date. Qu’elles soient monastiques, domestiques ou industrielles, liqueurs et eaux-de-vie appartiennent au patrimoine agro-alimentaire alpin. Mais un patrimoine bien vivant puisqu’aujourd’hui, relancées notamment par les sports d’hiver, les distilleries en Dauphiné et en Savoie constituent l’un des fleurons de l’économie régionale. Bien après les premières fabriques installées il y a plusieurs siècles, de nouveaux distillateurs transforment aujourd’hui l’eau pure des glaciers en whisky ou gin d’altitude.

  Animant certaines visites guidées de l' exposition ,  un passage du roman de Jean  Giono: " Les âmes fortes" m' a interpellée. Il situe l' intrigue notamment à Châtillon en Diois et à travers les mots de Thérèse, il  évoque l' histoire du " boire" en France: 

  Du temps où je vous parle , les affaires , quelles qu'elles soient étaient " décorées". Pas de chemin de fer, sans vin d'honneur. Pas de ciment sans apéritif. Pour déplacer la moindre benne, il fallait son poids de " vespetro". Tout se faisait dans un décor de café, de bistrot, de cantine. Ne pas boire le coup c' était rater neuf affaires sur dix. La matière première c' était l' absinthe . Entendons nous: les plans, le projet, les trucs sur le papier , c' était peut-être fait par des gens sobres ou de petits estomacs, quoique pas même certain, mais dès qu' on disait exécution! c' était en premier lieu le bistrot. Pour acheter, pour transporter, pour placer le matériel, pour embaucher , débaucher, payer, rectifier, organiser: c'était le bistrot en premier lieu. Une auberge, c' était le nid. c'était le coeur. Là, tu étais sûre de trouver: ouvriers, contremaîtres, patrons, ingénieurs, chefs de chantier(...) tout le monde avait des coffres capables. Mais à la longue, l' alcool usait les facultés; et même les vices, ce qui est plus grave. Jean Giono, les âmes fortes, ed. Folio, pages 126 et127.

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